Le syndicalisme étudiant est-il en voie de perdition ?

Moins qu’une vérité blanche et pure, la question mérite d’être posé. Il faudrait comparer les chiffres, contacter les anciens pour tenter de comprendre le poids qu’avaient ces organisations internes à l’Université. Parce qu’elle a toujours été ainsi : le mirage d’un lieu de vie, une véritable plateforme sociale, polyvalente et plurielle. La « fac » ne serait pas seulement ce lieu monotone où l’on étudie mais un rite de passage, une société dans la société.

 

Un vieux rêve gauchiste ? Oui et non. Les communistes soixante huitards fondateurs en 1969 de l’Université de Vincennes pourraient s’en retourner dans leur tombe : il est loin, le temps de la communion dans l’éducation à portée de main des chômeurs et de sans diplômes. Un petit passage à Paris VIII, dans le sillon de Saint-Denis, raviverait la flamme de tout fervent du drapeau rouge. Là-bas, l’engagement tient plus d’un héritage, d’une coutume et certes, d’une pratique qu’un véritable engouement national. Les syndicats y sont nombreux, puissants (même si le temps semble leur donner tort), les représentations politiques nombreuses. Parfois un peu trop.

 

Il n’en reste pas moins que dans l’UFR de Sciences Humaines et Art (SHA) de l’Université de Poitiers, ils étaient pas beaucoup plus de 200 à voter les représentants étudiants au Conseil de l’UFR. Et à un mois de l’échéance électorale, il n’existait dans l’enceinte de l’Hôtel Fumé et de l’annexe Psycho-Géo du campus aucun service de représentation étudiante. La création de la Liste pour une Université Publique et Démocratique (Luped) se fit tardivement, regroupant quelques membres des Jeunes Etudiants Communistes (UEC), des indépendants et les irréductibles SUDistes, laissés seuls depuis les dernières élections. L’apparition de l’opposition menée par l’UNEF se fit in extremis. Et encore, la présence du syndicat n’avait jusqu’à présent jamais fait bon ménage du côté des sciences « molles ».

 

Rien d’exceptionnel donc, à retrouver dans le programme de la liste majoritaire (élue par 67% des voix) des idées très axées à gauche, plus ou moins en adéquation avec celles héritières de SUD ou des Jeunes Communistes, touchant parfois au démagogique national qu’on reconnait aux grandes idées des grands partis. « Vous parlez pour être élu » semblent exprimer les visages neutres des étudiants assiégés. Le mérite de l’Une se concentra purement et simplementdans la distribution intensive de tracts devant les portes de l’université, reprenant le bilan et le programme national de l’association. Autant dire qu’on ne s’était pas foulé. Très vite, le combat des idées se transformait en un combat électoraliste : celui de ne pas laisser ses « communistes » seuls au « pouvoir » ; celui de ne pas se faire bouffer par une Unef « impérialiste ». Clichés preuve d’une partie de réalité, la politique ronge tout.

 

Comprendre le danger d’une telle abstention, c’est comprendre la distance mise entre les étudiants et leur administration, entre les étudiants et les impératifs de l’Université, entre les étudiants et les objectifs socio-culturels de ce monde en crise. Les étudiants ont-ils abandonné le combat des idées ou les idées ont-elles abandonné l’enceinte de l’université ? L’exemple de cette petite fraction étudiante poitevine n’est pas complètement anodin et doit être mis en relation avec la pauvreté du suivi associatif (milieu riche mais en déclin) et l’éloignement des étudiants de tout engagement quel qu’il soit. Qu’on se le dise, la LRU fut le dernier bastion du soulèvement des étudiants, et il ne fut pas victorieux. Ils étaient quarante à répondre à l’appel des lycéens pour les retraites. La vision (ignoble) de juristes brisant les murs vitrés de leur propre fac pour rentrer passer le blocus ou celle encore fraîche du personnel de l’université bousculant les bloqueurs de la fac de droit n’aide en rien.

 

Cette crise du syndicalisme (si crise il y a) ne serait finalement qu’une des conséquences de la crise du monde étudiant, sinon d’une crise de l’université et de ce qu’on aurait voulu en faire. Il ne s’agira pas d’accuser ces étudiants de s’engager. Mais à quelques semaines du sprint final entre Dominique Moncond’huy et Yves Jean pour la présidence de l’Université, on pourrait presque se demander si les syndicats ne cherchent pas plus des votants que des électeurs. A grands coups de mailing ENT.

 

Stylzzed

4 réponses à “Le syndicalisme étudiant est-il en voie de perdition ?

  1. Même si je partage une grande partie des constats présentés, quelques points sont à remettre en question ou à approfondir.
    Il est totalement vrai que l’on peut déplorer qu’aucun service de représentation étudiante n’est présent en SHA et ailleurs, alors que la défense et être au plus proche des étudiants devrait être la mission principal des syndicats. Malheureusement, ce n’est pas le cas.
    Des syndicats présent uniquement en période électoral ; des élus dans les différents conseils dont on ne sait pas vraiment ce qu’ils font ; dont on n’a pas de retour, amène effectivement une très forte abstention lors des élections universitaire.
    Quand vous dites : « Le mérite de l’Une se concentra purement et simplement dans la distribution intensive de tracts devant les portes de l’université, reprenant le bilan et le programme national de l’association. Autant dire qu’on ne s’était pas foulé.». Cela me semble un peu erroné, ce trac était un conçu localement, il contenait un verso consacré uniquement à l’UFR (souvenez vous, il était bourré de fautes d’orthographe). Après je partage le point de vue qu’il est fortement regrettable que leur mérite ne soit que d’avoir distribué des tracts, le jour de l’élection.
    Je ne pense pas que ce soit les étudiants qui ont abandonné le combat des idées. Mais les organisations syndicale qui devenant de plus en plus « bureaucratique », dirigé nationalement par des « étudiants » qui ne sont plus vraiment des étudiants et qui ont des liens trop fort avec des organisations politique. Les syndicats finissent par être trop éloigné de ceux qu’ils sont censés représenter. Ils deviennent plus proche des politiques que des étudiants. Ils ne donnent plus envie de s’engager. Comme vous le dites très bien : « la politique ronge tout ».
    Et effectivement, on peut se demander si comme vous le dites : « les syndicats ne cherchent pas plus des votants que des électeurs. ».

    • Merci pour ton intervention « H ». Une nouvelle fois, la question reste posée, le débat ouvert. Au delà d’un avis qu’on peut plus ou imaginer dans l’humeur de ce papier, il y a tout de même des voies d’analyses. Et je te rejoins sur plusieurs de tes points.

      Bon passage chez nous !

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